Croissance exponentielle des investissements durables: le moteur du changement ?

La hausse des investissements durables a été très rapide dans les dernières années. Entre 2014 et 2017, le montant de ces investissements à quasiment triplé. Cette évolution impacte évidemment toute l’économie. Les marchés, orientés par ces évolutions financières, vont subir de profonds changements. Les entreprises qui émettent un volume important de CO2 sont dévalorisées, alors que les entreprises dites « durables » profitent de cette réaffectation des fonds. Evidemment le processus concerne toute la chaîne de valeur. La performance de petits fournisseurs comme celle des grands groupes peut être fortement impactée par l’orientation de la finance vers la durabilité. Mais nous ne sommes qu’au début du processus et si l’inaction représente un risque certain, les opportunités pour les entreprises de profiter du processus sont nombreuses.
Quels sont les risques ?
Par les engagements pris par les Etats au travers de conventions internationales, les objectifs de réduction des gaz à effet de serre entrainent une baisse progressive de l’utilisation des énergies fossiles. Une croissance généralisée des taxes liées au CO2 pénalise les activités gourmandes en énergies fossiles. Le risque est une perte de valeur des investissements non durables qui va tendre à se renforcer au fil du temps. Une dévaluation massive des actifs en lien avec les énergies fossiles pourrait être accentuée par les nouvelles législations de nombreux Etats, qui veulent renforcer la lutte pour une réduction des émissions de gaz à effet de serre et subventionnent massivement les énergies renouvelables. La Banque Mondiale a décidé de ne plus investir dans des projets liés aux énergies fossiles à partir de 2019. Une grande part des ressources connues de pétrole ou de gaz pourra rester inexploitée, ce qui entraine une perte de valeur des géants du secteur. Ce risque est nommé « bulle carbone ». Combiné avec une réduction de la demande par la croissance des énergies renouvelables, elle risque de fragiliser toute l’économie mondiale.
En Suisse, des mesures comme la taxe sur les carburants et combustibles, inscrite dans la loi sur le CO2, vont gagner en importance. Une augmentation des taxes est déjà décidée et de nouvelles contraintes pourraient apparaitre sur les énergies fossiles. Certains investisseurs institutionnels ont déjà choisi de « dé-carboniser » leur portefeuille. Les exemples restent limités,mais la tendance au changement est réelle. D’autant plus qu’un récent avis de droit indique que les caisses de pensions ont une obligation fiduciaire de diligence d’aligner leurs investissements avec les objectifs de limiter le réchauffement à moins de 2°C. Ces changements sont également motivés par une performance légèrement supérieure des fonds d’investissement « durables », mais limités par un manque d’expériences et de statistiques sur le long terme. Comme une réduction progressive de l’utilisation des énergies fossiles est programmée, ce n’est qu’une question de temps avant que ce changement soit effectif.
Les grands groupes sont tous conscients de la problématique et prennent des engagements pour réduire leur dépendance aux énergies fossiles. Le Carbon Disclosure Project (CDP) rend compte de cet engagement en poussant les multinationales à communiquer sur leur engagement pour une réduction du CO2. Par effet de cascade, PME, petits producteurs et commerçants subissent une pression croissante de la part de leurs gros clients. De nombreuses enseignes de la grande distribution, ainsi que différents groupes et multinationales, ont mis en place une stratégie de développement durable. Ayant des objectifs précis au niveau des émissions de CO2ou de la consommation d’énergie, ils reportent ces engagements sur leurs fournisseurs. Ces derniers sont donc poussés à adapter leur production et leurs services, au risque de perdre des contrats s’ils ne peuvent s’aligner sur les attentes de leurs clients.
Une nouvelle direction à prendre avec la finance mondiale
Par le biais de nombreuses études académiques et pratiques, la performance des placements durables a pu être démontrée depuis plusieurs années. Les fonds de placement en actions durables ont généré des rendements égaux ou supérieurs et une volatilité égale ou plus faible, selon une étude de la banque Morgan Stanley en 2015. Prendre en compte les critères ESG (environnement, social, gouvernance) lors de l’investissement permet entre autre de réduire les risques. De nombreux investisseurs institutionnels s’engagent progressivement dans la voie durable, même si cette position reste minoritaire. Ces investisseurs institutionnels gardent en priorité un souci de rentabilité, afin de garantir les rendements des sommes qui leur sont confiées. Mais les tendances indiquent un progrès de la réflexion durable, qui pourrait modifier en profondeur le monde financier.
Même si les investissements durables ne sont pas encore la norme, ils connaissent une forte hausse dans le monde entier. En Suisse, ce type d’investissements a progressé d’environ 250% entre 2015 et 2017, montrant bien le fort intérêt qu’ils suscitent. Qu’il s’agisse d’entreprises dans leur ensemble ou d’un produit seul, la réflexion autour de la durabilité prend aujourd’hui un sens financier important. Afin de rester compétitif aux yeux d’investisseurs potentiels, l’argument d’un engagement concret pour le développement durable peut se révéler décisif.

(Source : Swiss Sustainable Investment Market Study 2018, par Swiss Sustainable Finance)
Le soutien aux nouvelles technologies cherchant à être plus efficaces énergétiquement s’est lui aussi renforcé au cours des dernières années. Ce domaine en plein développement suscite l’intérêt de nombreux investisseurs. De nouveaux modes de financement d’infrastructure comme les contrats de performance énergétiques permettent des investissements directs dans l’économie d’énergie avec un rendement garanti. La hausse de l’intérêt pour la technologie durable devrait se poursuivre, poussant les investisseurs à se retirer des domaines dépendants encore d’énergies fossiles et de modes de production non durables.
Le changement amorcé par le monde de la finance a une influence globale. Les marchés vont évoluer dans la même direction, générant de nouvelles opportunités tout en accentuant les contraintes sur les énergies traditionnelles. En anticipant cette évolution des marchés vers la durabilité, il est possible de profiter de ces changements à venir.