La gestion du CO2 dans les Hautes Ecoles & Universités

 

 

En tant que lieux de formation et de savoir, les hautes écoles universitaires et spécialisées peuvent jouer un rôle important par leur engagement pour un développement durable. Si toutes les hautes écoles de Suisse ne possèdent pas encore une stratégie définie dans le but de réduire leurs émissions de CO2 et leur impact général au niveau énergétique et écologique, nombre d’entre elles progressent dans cette direction. Qu’il s’agisse d’obtenir des soutiens ou d’attirer des étudiants par exemple, l’importance d’une gestion durable et d’une implication en faveur de la durabilité est croissante pour les hautes écoles.

 

L’engagement d’une haute école en faveur du développement durable et d’une réduction de son impact CO2 varie aujourd’hui encore fortement selon qu’il s’agit d’une université ou d’une haute école spécialisée. En effet, ces dernières ayant une gestion répartie sur les différents sites membres de son organisation, les efforts et mesures planifiés au niveau de chaque site ne sont pas appliqués à l’ensemble de l’organisation. Selon une étude menée pour le compte du WWF en 2017, ce mode d’organisation explique en grande partie la différence d’implication en faveur du développement durable entre universités et hautes écoles spécialisées de Suisse.

 

Figure 1 : Stratégies relatives au développement durable des universités suisses

 

Au sein de la Figure 1 et de la 2, tirés de l’étude commanditée par le WWF[1], elles soulignent la différence d’implication dans une démarche durable des deux types d’établissements. Si la plupart des universités du pays ont mis en place un service ou ont engagé une personne responsable de la stratégie de développement durable de l’établissement, seule l’une des HES possède un équivalent. Les sept autres établissements n’ont par ailleurs pas laissé entendre qu’un projet du même type était en court de développement au moment de l’étude.

 

Figure 2 : Stratégies relatives au développement durable des hautes écoles suisses

 

En plus de cette première différence entre types d’établissement, les stratégies individuelles de chaque université ou HES sont très variables. En effet, si l’EPFL ou l’Université de Berne peuvent être citées comme exemples de hautes écoles universitaires intégrant fortement le développement durable dans la gestion de leur établissement, l’Université de Fribourg présente un engagement plus limité dans ce domaine, puisqu’elle ne possède par exemple pas de service ou de personne responsable de la stratégie pour la durabilité, selon les données de l’étude du WWF. Pour la HES-SO, la Figure 3[2] permet de révéler que les différences sont très marquées selon les sites partenaires. Cela confirme que le mode de gestion des HES complique la mise en action d’une stratégie coordonnée de développement durable, chaque site ayant une gestion séparée.

 

Figure 3 : Exemple de la HES-SO et de ses trois établissements partenaires

 

Malgré ces différences notables entre établissements de tous types, les dispositions légales entourant les hautes écoles universitaires et spécialisées sont les mêmes. La Loi sur l’encouragement et la coordination des hautes écoles (LEHE) régit au niveau fédéral la coordination, ainsi que l’assurance de la qualité et de la compétitivité des hautes écoles suisses, dont la gestion est tout d’abord l’affaire des cantons. Le développement durable est directement lié à la LEHE, puisqu’il est mentionné à deux reprises dans ce texte. Tout d’abord, il est mentionné parmi les conditions d’accréditation d’une institution, au même titre que le respect des conditions d’admissions définies par la loi ou l’efficacité de la direction de l’établissement par exemple. Ainsi, une haute école doit intégrer à son mode de gestion un développement durable au niveau économique, social et écologique pour obtenir une accréditation, qui lui permet de prétendre notamment à l’obtention de subventions fédérales ou à l’accréditation de certains programmes. Des soutiens financiers peuvent donc être obtenus grâce à l’intégration d’une stratégie de développement durable au sein d’une haute école, puisque cela représente un domaine d’intérêt dans lequel ces établissements peuvent avoir un effet important. En négligeant le domaine du développement durable, les soutiens politiques nécessaires au développement d’une haute école pourraient être réduits. Plus la réduction de l’impact écologique ainsi que l’amélioration de l’engagement social et économique deviennent des thèmes d’actualité pour les instances fédérales et cantonales, plus les tenir à l’écart de la stratégie de gestion d’une université ou d’une HES deviendra difficile.   Les soutiens politiques permettent à une haute école de poursuivre son développement, mais ce sont aussi les étudiant.e.s faisant le choix de se rendre dans tel ou tel établissement qui lui permettent de continuer à vivre et à progresser. La tranche de la population en âge de faire des études supérieures est actuellement de plus en plus engagée pour une meilleure intégration du développement durable au niveau global, comme le montre par exemple les récentes manifestations en faveur du climat.

Un rapport, produit par le WWF [3] en 2018, s’est intéressé à la demande venant des étudiant.e.s par rapport au développement durable dans les études. Grâce à un questionnaire, les rédacteurs ont pu établir qu’un pourcentage d’environ 87% des interrogé.e.s se déclarent très intéressé.e.s par la thématique du développement durable. Le rapport a par ailleurs pu établir que la demande pour qu’un plus grand nombre de cours touchant à cette thématique se heurte à une volonté limitée du corps professoral.

 

Figure 4 : Exemple de la HES-SO et de ses trois établissements partenaires

 

La Figure 4 révèle des différences de satisfaction selon le type d’établissement ou encore le niveau de formation par exemple. Il ressort néanmoins assez nettement que le pourcentage d’étudiant.e.s étant tout à fait satisfait.e.s de l’implication de leur établissement pour un développement durable reste très limité. Le décalage entre une demande estudiantine grandissante et une certaine retenue venant des professeurs et de la gestion des écoles pourrait progressivement faire reculer le nombre d’étudiants de certains établissements. En effet, l’intérêt marqué pour un engagement de l’école dans ses actions et au travers de son cursus peut être à l’origine du choix de s’inscrire ou non dans un établissement. Les disparités dans l’engagement des universités et HES créent une concurrence nouvelle, sur la base de l’intérêt croissant du public cible étudiant.   Par ailleurs, les classements internationaux sont représentatifs de la progression ou du recul de la réputation d’un établissement. Chaque année, différentes institutions produisent un classement comparant des universités et hautes écoles du monde entier, sur la base de la réputation, de l’offre d’étude et d’autres critères encore. Le développement durable devient progressivement un enjeu intégré à de tels classements, pouvant influencer fortement l’image et la réputation d’un établissement. Si les hautes écoles suisses entrent souvent en bonne position dans ce type de classements, les difficultés à intégrer le développement durable dans leur stratégie de gestion pourraient représenter un obstacle pour atteindre un bon score dans les classements. Le classement produit par le Times Higher Education intègre par exemple depuis son édition 2019 les critères du développement durable définis par les Nations Unies. Si les universités et HES peuvent améliorer leur image en mettant en place des mesures telles que la réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre ou par l’intégration plus profonde du développement durable dans les programmes d’étude, la prise en compte de tels critères pour les classements internationaux renforce le risque d’une mauvaise réputation en cas de refus de mettre en place une stratégie de durabilité.

 

De telles stratégies de développement durable au niveau d’une haute école touche à de nombreux domaines, représentant chacun un potentiel de risque certain à l’avenir. En dehors d’enjeux liés à la réputation, aux soutiens politiques ou au besoin d’attirer un nombre important d’étudiants, les contraintes légales concernant la construction ou la mobilité par exemple tendent à se renforcer. En effet, le besoin d’optimiser la consommation d’énergie et de réduire les émissions de CO2 et autres gaz à effet de serre entre en jeu lors de la construction de nouveaux bâtiments, mais aussi lors de la rénovation et la gestion de bâtiments existants. Les déplacements des collaborateurs, tout comme ceux des nombreux étudiants, doivent être pris en compte en tant qu’impact produit par l’établissement. Pour la gestion du site d’une haute école universitaire ou spécialisée, une stratégie globale de développement durable doit donc englober ces divers domaines. Les contraintes sont multiples, en particulier en lien aux lois sur le CO2 ou concernant les bâtiments. En plus du risque qu’une mauvaise gestion de ces contraintes fait peser sur la réputation des établissements, ce sont aussi des problématiques financières et légales qui touchent les universités et HES. En parallèle de ces diverses contraintes, une démarche durable peut offrir de nombreuses opportunités à une haute école. L’image d’un établissement peut largement s’améliorer à l’aide d’une stratégie de développement durable. Par la mise en œuvre de mesures concrètes, l’intégration d’un service chargé de la démarche durable ou encore une meilleure représentation des thématiques de la durabilité dans le cursus, une école peut gagner en prestige et devenir plus attractive.

En effet, l’étude WWF mentionnée plus haut souligne la forte demande venant des étudiants pour une meilleure intégration du développement durable dans leur éducation, ainsi que dans la gestion courante de l’institution qu’ils fréquentent. Offrir des possibilités d’étudier les multiples aspects de la démarche durable se profile donc comme une opportunité de convaincre des étudiants, tout comme des professeurs, de choisir un établissement plutôt qu’un autre pour suivre un cursus universitaire ou en HES, ou pour y travailler et s’investir.   La planification stratégique des universités suisses pour 2017-2020 cite par ailleurs le Sustainable Development at Universities Programme (SDU) comme source de financements pour soutenir des démarches pour plus de durabilité au sein des hautes écoles. Au sein de ce programme (Figure 5), les financements peuvent encourager diverses démarches : l’enseignement, les projets d’étudiants et d’autres sources, ainsi que la recherche.[4] 

 

Figure 5 : Illustration du programme SDU au sein des universités suisses en 2017

 

Grâce à l’existence d’un tel programme, des opportunités de financement, tout comme de visibilité, s’offrent aux universités et HES. Ainsi, la recherche et l’enseignement peuvent être soutenus et améliorés. Les projets provenant des étudiants sont quant à eux bien développés actuellement déjà dans de nombreux établissements, représentant ainsi la demande pour plus de durabilité qui se manifeste chez une part de la population estudiantine. La plateforme U Change représente par ailleurs un autre moyen d’obtenir des soutiens pour des projets lancés par des étudiants membres des hautes écoles de Suisse. Si les établissements des hautes écoles entrent en dialogue avec les associations d’étudiants, ce sont en particulier ces derniers qui sont actifs pour la durabilité dans leurs établissements. La Semaine de la durabilité (Sustainability Week) est un exemple d’action coordonné uniquement par des étudiants au sein des établissements suisses. Ayant eu lieu en 2018 et 2019, il s’agit d’une semaine comprenant des conférences, événements et activités diverses ayant trait à la durabilité. Cet événement se déroule dans 14 villes, dans 27 établissements différents. Les associations étudiantes y participent, en plus de leurs actions régulières au sein de leur institution.

En plus de ces opportunités, offertes par la motivation des étudiants et les divers soutiens financiers à obtenir, investir dans une démarche durable peut aussi se matérialiser sous la forme d’investissements pour les technologies et techniques cherchant à limiter les émissions de gaz à effet de serre et la consommation d’énergie par exemple. Ce type de recherche peut aboutir au développement de produits et techniques ayant un impact positif pour un développement plus durable. Au vu de la demande actuelle pour de telles technologies et de tels produits, le potentiel qu’elles représentent gagne à être évalué et réalisé. Le marché international est intéressé par ces recherches. Actuellement, la position dominante de certaines hautes écoles suisses est déjà assurée par des recherches en technologies de pointe, qui pourraient être utilisées dans le domaine du développement durable également. En effet, l’Ecole polytechnique fédérale de Zurich est considérée comme l’une des meilleures écoles du pays, en plus d’une réputation internationale importante. Ainsi, le développement des biens et services à portée durable peut représenter des opportunités très intéressantes au niveau de la stratégie d’une haute école.   Des institutions telles que les universités et les hautes écoles spécialisées représentent des centres dans lesquels la connaissance et l’innovation peuvent être cultivées. En tant que lieux de savoir et de formation, ces institutions doivent saisir la chance de s’engager pour plus de durabilité, au sein de leur propre gestion et de l’enseignement qu’elles transmettent. Tout en permettant de renforcer sa position et sa réputation, des soutiens variés peuvent être obtenus grâce à une meilleure gestion des émissions des sites d’un établissement et de la mobilité qu’il engendre. La recherche et l’enseignement dans le domaine du développement durable sont actuellement importants, puisque la transition vers plus de durabilité est en cours et requiert de nouveaux outils et méthodes. La demande provenant des étudiants marque bien l’importance grandissante de la durabilité aujourd’hui, réclamant son intégration renforcée dans les modes de gestion des établissements universitaires et des HES. Si ces institutions sont encore souvent réticentes actuellement à entreprendre des mesures plus importantes, les larges opportunités qu’offre la voie durable représentent un intérêt non négligeable pour permettre le développement et la progression continue des instituts d’études supérieures.    

 

[1] B,S,S. Volkswirtschaftliche Beratung AG. (2017). Le développement durable dans les hautes écoles de Suisse. p. 7. Consulté sur https://www.wwf.ch/sites/default/files/doc-2017-09/2017-06-rapport%20durabilite%20hautes%20ecoles%20FR.pdf

[2] B,S,S. Volkswirtschaftliche Beratung AG. (2017). Le développement durable dans les hautes écoles de Suisse. p. 25. Consulté sur https://www.wwf.ch/sites/default/files/doc-2017-09/2017-06-rapport%20durabilite%20hautes%20ecoles%20FR.pdf

[3] Union des étudiants de Suisse, VSS-UNES-USU. (2018). Développement durable dans les études. Evaluation et souhaits des étudiants. p. 8. Consulté sur https://www.wwf.ch/sites/default/files/doc-2018-03/2018-03-Report-Umfrage-Studierende-fr-.pdf

[4] Académies suisses des sciences. (2017). Sustainable Development at Universities Programme: Rapport final. p. 6. Consulté sur www.akademien-schweiz.ch/fr/dms/publikationen/12/communications1201f_SDU_RapportFinal_web_f/communication1201f_SDU_RapportFinal_web_f.pdf