La justice climatique: une pression supplémentaire sur les politiques

 

Différents mouvements citoyens se font entendre dans le monde entier sur le sujet de la justice climatique. Il s’agit pour ces groupes de pousser les Etats à prendre leurs responsabilités face au changement climatique et d’agir en intendant des actions légales contre les dirigeants qui ne se mobilisent pas suffisamment pour la réduction du CO2. L’argument étant la mise en danger des générations futures. Ce type de mobilisation se passe aussi en Suisse. Avec le développement de telles initiatives, une certaine pression est mise sur les Etats, pouvant motiver la mise en place de nouvelles mesures législatives. La demande des citoyens pour une plus grande action politique contre les émissions de gaz à effet de serre et autres éléments accélérant le changement climatique peut amener à la création de nouvelles lois, représentant différentes contraintes pour les entreprises. 

 

Si les milieux scientifiques se font fréquemment entendre à propos du changement climatique et de l’urgence de la situation présente, les milieux politiques tendent à approcher la question avec plus de modération. Malgré des engagements pris par la plupart des pays au travers de la signature de l’Accord de Paris en 2015, les progrès par rapport à la réduction des émissions de gaz à effet de serre restent limitées. Un exemple notoire est l’échec du Conseil National dans sa tentative de définir la loi sur la CO2 pour la période après 2020.

 

Afin d’attirer l’attention des politiques sur la situation climatique et dans le but de motiver une action plus soutenue dans ce domaine de nombreux citoyens de tout âge se mobilisent. Un des leviers consiste en des actions en justice contre les personnes dans les exécutifs ou contre les états eux-mêmes. Ce type de mouvements venus des citoyens sont de plus en plus présents dans les actualités, en Suisse comme dans le reste du Monde.

 

Attaquer en justice un Etat est possible. Fréquemment elles aboutissent même à une reconnaissance du tort de ce même Etat. L’exemple de diverses affaires ayant eu lieu aux Etats-Unis et en Europe témoigne de l’effet que peuvent avoir de telles plaintes en justice. La Cours suprême américaine, tout comme la Cours de Justice de l’Union européenne, a reconnu comme recevable une plainte de ce type. Il s’agit de plusieurs enfants ayant attaqué l’Etat américain sur la base de son inaction dans le domaine du changement climatique. Plusieurs familles d’Europe, du Kenya et des Fidji mènent une démarche similaire auprès de la Cours de l’UE, qui a aussi reconnu la plainte comme recevable. Le fait que ces plaintes aient été acceptées par de telles instances de justice souligne que les Etats et organisations comme l’UE prennent ce sujet et ses défenseurs au sérieux.

 

Le premier procès européen concernant le climat a eu lieu aux Pays-Bas en 2015. L’action de l’Etat contre le changement climatique a été jugée insuffisante par la Cour, à la suite d’un procès lancé par un mouvement citoyen. Des mesures plus importantes ont depuis été décidées au niveau politique. Certains objectifs de réduction des gaz à effets de serre ont pu être fixés, ainsi que d’autres mesures (dont une production d’électricité 100% neutre en carbone d’ici à 2050 par exemple). Une affaire du même type est en cours en France, avec l’implication de nombreuses associations et personnalités du divertissement notamment, qui cherchent à soutenir les citoyens voulant rendre l’Etat français plus responsable quant au changement climatique, par l’intermédiaire d’une action en justice. Une pétition diffusée sur internet compte déjà plus de deux millions de signatures, indiquant l’ampleur du mouvement.

 

De très nombreux mouvements se mettent donc en marche au niveau mondial, cherchant à accroître le poids de la protection du climat et de l’environnement dans les objectifs politiques. En Suisse aussi, cette pression sur l’Etat est présente. Une action en justice a été lancée par le mouvement « Les ainées pour le climat« . L’argument étant que les femmes de plus de 70 sont particulièrement à risque dans les périodes de chaleur extrême en été. Le manque d’action pour limiter le réchauffement représente donc une atteinte à la santé et constitue une cause directe de l’augmentation de la mortalité. L’affaire est devant le Tribunal Fédéral.

 

Les récentes grèves estudiantines pour attirer l’attention politique sur les sujets climatiques sont un bon exemple de ce type de mobilisation. De très nombreux étudiants de niveau universitaire ou venant des collèges se sont rassemblés afin de montrer le désir de la jeunesse pour des actions politiques efficaces pour la gestion du changement climatique et des gaz à effet de serre. Ce mouvement se situe dans la ligne d’actions voulant responsabiliser l’Etat dans la lutte contre le changement climatique. Si l’action des étudiants et écoliers divise par sa forme, il donne par contre une large visibilité aux questions du développement durable et du besoin d’une réaction politique. Le fait de rater des cours a été débattu, sans que les revendications puissent être véritablement critiquées.

 

En parallèle de ce mode d’action citoyen et sous la forme de manifestations ou de pétitions, des demandes se multiplient pour que les institutions telles que les caisses de pension soient plus attentives dans la manière de gérer leurs placements. Il arrive fréquemment qu’une part de leurs investissements se situe dans des secteurs tels que les énergies fossiles. Des professeurs d’universités et des EPF s’impliquent sous la forme d’une lettre contestant ces investissements peu durables en 2018, le Conseil fédéral étant d’accord lui aussi sur le besoin de limiter de telles stratégies d’investissement. Le possible ralentissement du domaine des énergies fossiles et des pertes qui pourraient survenir forme une part du risque lié à ces investissements, mais c’est aussi le devoir moral d’une telle institution qui ressort dans ces critiques. Les caisses de pension sont responsables de leur manière d’investir ; ainsi, soutenir des domaines allant à l’encontre d’un développement durable est relevé comme une mauvaise stratégie à long terme.

 

Par l’existence de tels mouvements de pression sur les Etats, ainsi que les réactions politiques déjà observables en réponse à ces mobilisations, rendent les changements inévitables. Si tous les groupes cherchant à attirer l’attention politique sur des questions climatiques peinent à se faire entendre, cette mobilisation croissante au fil des ans permet tout de même d’envisager une plus grande prise en compte de ces thèmes par les Etats à l’avenir. Les mesures d’encouragement ont été privilégiées dans les lois et programmes politiques suisses jusque-là. De nouveaux acteurs demandent maintenant des mesures plus fortes et contraignantes, qui permettraient d’améliorer la protection du climat actuellement considérée comme trop limitée par rapport aux observations scientifiques des changements climatiques. La pression citoyenne par le biais de mesures judiciaires notamment, permet de souligner le devoir des gouvernements de s’engager plus fortement pour des mesures efficaces contre les gaz à effets de serre.

 

Comme l’exemple des Pays-Bas le démontre, une action en justice peut déboucher sur de nouvelles politiques plus contraignantes quant à la protection du climat. La mobilisation et les actions judiciaires allant dans ce sens peuvent donc représenter une manière d’accélérer la prise en compte du climat dans les politiques publiques et les décisions d’Etat. Les objectifs fixés par l’Accord de Paris en 2015, qui ont été accepté par la Suisse, requièrent des mesures renforcées, si le pays veut les atteindre à temps. Une pression citoyenne et juridique rappelle les responsabilités de l’Etat afin de contrer le changement climatique.